Travail et amitié peuvent-ils faire bon ménage

Articles & Interviews, Presse

15 avril 2013 – Les Echos. Page 39.

LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,

Le travail et l’amitié sont rarement solubles l’un dans l’autre et beaucoup tend à les opposer. Les relations professionnelles impliquent une certaine distance, même entre collègues, a fortiori dans le cas de relations hiérarchiques, tandis que l’amitié réduit nécessairement cette distance.

Alors, que privilégier? L’amitié ou le travail ? La réponse dépend énormément du positionnement dans le « millefeuille » de l’entreprise. Il y a, comme disait le président ivoirien Houphouët-Boigny, « le bas du bas, le haut du bas, le bas du haut et le haut du haut ». Les règles et les priorités à chaque strate de ce « millefeuille » social sont bien différentes, y compris en matière d’amitié.

En bas du « millefeuille », l’amitié peut passer avant le travail, sans nuire à l’entreprise ou à quiconque. Un collaborateur à l’usine jouit des amitiés qui peuvent même renforcer son adhésion à l’entreprise. Dès le niveau d’encadrement atteint, les règles changent : le travail devient prioritaire et on se méfie des amitiés qui quelquefois « exposent » aux jalousies, aux trahisons ou aux indiscrétions. « Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m‘en charge ! », disait Voltaire. De fait, plus on grimpe dans l’hiérarchie, plus les amitiés au travail deviennent rares car la compétition est féroce. Au sommet de la hiérarchie, la solitude qu’éprouvent tant de patrons, est un résultat de tant d’amitiés sacrifiées sur l’autel de la carrière. Recul et « gouvernance de soi » sont primordiaux, surtout quand un sujet sensible met en danger l’amitié ou le travail. Une DRH, amicalement liée à la patronne qui l’avait recrutée, a refusé de s’occuper de l’étape de la négociation quand ladite patronne s’est fait limoger. « Je vais gérer le dossier, c’est mon rôle, mais ne ferais pas la négociation », a-t-elle clairement déclaré à ses supérieurs fonctionnel et hiérarchiques. Le nouveau patron a apprécié sa transparence et lui a avoué, six mois plus tard, qu’elle s’était comporté en « officier loyal ». Pour éviter tout conflit d’intérêts et faire bon ménage, le travail et l’amitié doivent nécessairement être « gérés » comme deux terrains de jeux parallèles.

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