13 janvier 2014 – Les Echos. Page 34.
LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,
Oui, que faire du senior? me demandez-vous. Mis dans un rôle fonctionnel, il dérange par la pertinence de ses commentaires sur les opérationnels novices.
Dérange-t-il l’équipe ou bien vous-même? Si vous êtes son patron hiérarchique, ce qui vous dérange, c’est qu’il « sape » votre autorité, tant ses commentaires sont pertinents. Pourtant, même relevé de son rôle opérationnel et mis dans un rôle fonctionnel, il commente, donc s’implique. Au lieu de voir les choses de façon négative, comme une source d’irritation, réjouissez-vous qu’il soit encore bien motivé et engagé. La réponse alors à votre question « que faire de lui ? », c’est de lui attribuer le rôle de mentor, qui sied à son positionnement fonctionnel et à son degré d’implication.
Le mentor accompagne les jeunes comme un conseiller avisé et expérimenté et les inspire pour avancer et pour mieux faire. En tant que mentor, il va passer le relais, la « flamme » aux jeunes opérationnels et se sentira utile, car c’est un rôle gratifiant. Avec le départ programmé des seniors, toute une tranche de la culture de l’entreprise, avec ses codes, son histoire, disparaîtra. Le mentorat est un liant entre générations et aussi une façon de renforcer le sentiment d’appartenance à l’entreprise.
Avec l’âge de départ à la retraite qui recule, la tendance à mettre trop tôt les seniors dans la « poubelle », ou à chercher comment s’en débarrasser démontre que l’on ne sait pas exploiter le trésor de leur expérience et de leur loyauté accumulées.
Parallèlement, on fait tout pour impliquer les jeunes et leur inculquer le sens de l’engagement. Mais quand ces derniers voient comment sont traités les seniors, ils ne sont guère incités à développer leur attachement à l’entreprise. Le risque est alors pour eux de se positionner dans une logique de relation strictement utilitaire, avec un niveau de fidélisation minimum. C’est ainsi que d’une main on détruit ce qu’on construit de l’autre. Les dégâts collatéraux de cette politique de traitement des seniors sont bien supérieurs à ce que nous n’imaginons.
« Quand je cesserai de m’indigner, j’aurai commencé ma vieillesse », disait André Gide. Les commentaires dérangeants du senior sont en bonne résonance avec cette pensée.