Comment faire face à des injonctions contradictoires ?

Articles & Interviews, Presse

6 janvier 2014 – Les Echos. Page 33.

LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,

Les injonctions contradictoires, dites aussi paradoxales, sont celles auxquelles on ne peut obéir sans désobéir. C’est la fameuse « double contrainte » ou double nœud, théorisé par Gregory Bateson.

L’exemple classique, selon l’Ecole de Palo Alto, est l’injonction «soyez spontané(e)! » Si on tente d’y obéir, on ne peut plus l’être et, si on s’y oppose, non plus. Résultat : quoi qu’on fasse, on est perdant. Et on se sent coupable, sans nécessairement comprendre pourquoi.

Dans la vie de l’entreprise, ce double nœud se rencontre lorsqu’on se retrouve avec deux demandes opposées, émanant, par exemple, de deux chefs. L’un veut rouge, l’autre veut noir. Il faut obéir aux deux et on ne peut se plaindre, ni à l’un, ni à l’autre. Chez la personne qui subit ce« double nœud » se produit alors une sorte d’enfermement, un rétrécissement de conscience qui tourne fébrilement en rond en cherchant une voie de sortie. Comment se dégager par le haut dans ce type de situation? L’histoire des deux cravates de Dan Greenburg vaut démonstration. Une mère ayant offert à son fils deux cravates, lui dit, avec tristesse, lorsqu’il en met une : « je savais que l’autre ne te plairait pas ». Cette situation illustre la quintessence du « double nœud »- quoi que tu fasses, tu rendras ta mère malheureuse, elle qui est si bonne avec toi, etc. Autrement dit, «either you’re bad (tu as mis une cravate, preuve que tu n’aimes pas l’autre) « or you are mad » (tu en as mis deux en même temps, preuve que tu es fou).

Pour s’en sortir, le fils ne doit surtout pas réaffirmer, comme d’habitude, « Mais, si, j’aime bien l’autre ! » Le sourire triste de la mère l’invalidera immédiatement (Et en plus tu me mens !). Il lui faut répondre directement au non-dit de cet échange, qui est le reproche caché, car il ne s’agit pas de cravates, mais de l’amour du fils pour la mère. Changer de niveau logique s’impose dans ce cas afin de répondre à la partie immergée de l’iceberg (l’amour pour la mère), en oubliant la partie émergée (les cravates). La meilleure réponse possible dans cette situation est : «Tu as raison maman, nos gouts sont différents, et en vérité je n’aime ni l’une, ni l’autre. Si j’en mets une, c’est parce que c’est toi, qui j’aime, qui me l’a offerte ».

A vous à présent de débusquer les non-dits dont regorge votre vie professionnelle.

Lire l'article au format PDF