« Moi, manager ? En ai-je la capacité ? »

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26 Novembre 2012 – Les Echos. Page 34.

LA CHRONIQUE d’Éléna Fourès,

Votre question soulève trois remarques.

Premièrement, vous doutez de vos capacités, tandis que votre hiérarchie, en vous proposant de manager, semble, au contraire, exprimer sa confiance en vous. Chacun de nous a son « Triangle Identitaire™ » (personne, expert, fonction). Sur le vôtre, du côté personne, votre modestie vous honore. Mais du côté fonction, l’estime de soi serait-elle déficitaire ? Ou bien le niveau d’exigence vis-à-vis de vous-même trop grand?

Deuxièmement, la formulation de votre question révèle que la capacité à manager vous apparaît comme pratiquement innée (on l’a ou on ne l’a pas). En réalité, on apprend à manager, c’est une aptitude qui s’acquiert à force de l’exercer.

Troisièmement, la question « comment savoir » signifie qu’à défaut de le faire vous-même, vous cherchez quelqu’un d’externe pour statuer sur vos capacités. Votre hiérarchie, malgré sa légitimité en la matière, ne vous semble pas « suffisamment externe » pour vous. Or, il est impossible de savoir si on a des capacités ou pas avant de s’y essayer, et aucune procédure d’évaluation ne vous le garantira. Néanmoins, il existe des indices positifs : votre motivation à devenir un manager, par exemple. Souvent, derrière le doute, on trouve l’envie.

Lorsqu’un expert métier réussit dans l’entreprise, il a deux voies pour « grandir » : se spécialiser encore et encore et devenir un superexpert, ou bien se faire confier une équipe de spécialistes et commencer à la manager. Dans ce dernier cas, il importe qu’il sache correctement gérer son « Triangle Identitaire™ ». Côté « expert », la frustration le guette (il est excellent et aime tellement faire les choses lui-même) et peut le desservir. Or, côté « fonction », le manager fait faire par les autres, parfois moins compétents que lui. Dans votre cas, le côté « expert » peut prendre le pas sur la fonction de manager, avec le risque de chercher à exécuter vous-même les tâches les plus difficiles, car vous n’admettez pas qu’un membre de votre équipe puisse se tromper et vous faire « perdre la face ». Problème : le verdict de votre hiérarchie risque d’être le suivant : « il n’est pas un bon manager, il ne fait pas grandir son équipe, n’expose pas les gens pour qu’ils apprennent… ». Et vos collaborateurs de renchérir : « il tire la couverture à lui ».

Un bon manager est doté de capacités d’écoute, de délégation et de contrôle de l’exécution. Et il sait aussi formuler les objectifs. En somme, il doit être passionné par ce qu’il fait et aussi aimer les gens.

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