04 février 2013 – Les Echos. Page 37.
LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,
Refuser une promotion par souci de préserver son équilibre de vie est une question qui hante principalement des femmes, qui commencent une deuxième journée de travail en rentrant chez elles, tant le partage des taches est encore insuffisant. Il arrive aussi que les hommes refusent une promotion liée à une expatriation difficile. Si les personnes, la mort dans l’âme, refusent des promotions, ce n’est pas par manque de motivation, mais à cause de réunions tardives, de déplacements continuels et de la charge de travail, qui oblige à « bosser » chez soi, le soir et le week-end. Résultat : l’arbitrage du « triangle identitaire » (personne, expert, fonction) se fait alors en faveur du côté personne (famille), car ses intérêts sont prioritaires, surtout lorsque les enfants sont petits. Ironie du sort, on risque alors que le patron, un homme le plus souvent, « ne comprenne pas » le refus et, par un raccourci facile, conclue à la « démotivation ». Le syndrome « Wonderwoman » est un risque alternatif : la femme accepte la promotion, serre les dents et avance « pour tout réussir », comme cette jeune mère qui, dans les cinq mois après la naissance de son enfant, accepte les 18 déplacements en Asie et qui, pour s ‘en sortir, installe sa propre mère chez elle.
Quadrature du cercle typiquement féminine que de vouloir réussir sa carrière et son équilibre de vie ? Le modus vivendi des managers, hommes et femmes, est une pression toujours croissante. Cela crée des frustrations, voire des conflits intérieurs, et déstabilise la relation du couple, exacerbant le sentiment d’injustice et le ressentiment. Les solutions partielles comme l’alternance des rôles dans le couple (je prends la promotion, tu acceptes de « ralentir » pendant trois ans, ce sera ton tour après) ne règlent pas le problème principal : si on travaille trop, c’est qu’on travaille mal. La culture hexagonale de « douze heures par jour et plus, c ‘est la norme si on veut progresser », est un piège parce que ce n’est pas durable. Les Danois quittent le bureau à 16H pour chercher les enfants à l’école car rien n’est plus important que l’équilibre de vies professionnelle et personnelle.
Alors, pour paraphraser un slogan du passé, apprenons à travailler moins pour travailler mieux. Espérons qu’instruits par notre exemple, les jeunes de la génération « Y » en feront leur devise.