Le courage, remède universel

Articles & Interviews, Presse

La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multi culturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.

Le 14 décembre 2015, ma Chronique dans le journal Les Echos était « Je travaille avec de perpétuels stressés ». Elle fait écho, justement, au contexte actuel, où nous sommes tous soumis à une angoisse permanente et générale à différents degrés. Difficile d’y échapper et d’y rester insensible, alors que cette « situation exceptionnelle » se transforme inéluctablement en « situation exceptionnelle durable ». Le pire ? Toutes les dimensions de la vie en sont affectées et nous bombardent d’injonctions de peur, créant des croyances négatives : peur de l’avenir (emploi, crise), peur des autres (porteurs du virus), peur pour son cercle familial proche, peur de sortir, peur de ne pas être en règle (oubli de masque, de justificatif, d’heure de couvre-feu…). Ce sentiment de peur généralisé nous enjoint à une prudence qui n’est pas viable à moyen et long terme, car « Quand la prudence est partout, le courage n’est nulle part. » (Cardinal Mercier).

Car tout le problème est là : nous n’avons aucun moyen de prévoir quand la situation va se normaliser, et nous ne savons plus nous projeter au-delà d’un horizon de 6 mois. De plus, la peur et le stress rétrécissent notre champ visuel et temporel, renforçant cette tendance à penser court terme et nous empêchant de trouver une issue aux émotions négatives qui s’accumulent en nous et autour de nous. On a beau dire « Après la pluie, le beau temps », tant que la tempête n’est pas passée, il s’agit d’y faire face : attendre ne suffit pas.

Dans ma chronique d’il y a 5 ans, je mentionne l’importance d’être capable d’amener de la respiration dans un système pressurisé. Je suis persuadée que cela doit passer par le courage, au niveau individuel et collectif. C’est le seul remède véritable et viable qui est à notre disposition aujourd’hui. Contrairement à la peur, qui est une émotion primaire, le courage est un sentiment secondaire, une réaction ou une sublimation de la première qui permet de l’évacuer. Ne croyez donc pas qu’avoir du courage signifie l’absence de peur, ou que, comme l’élégance ou le charisme, c’est quelque chose qui ne s’acquiert pas, qui est « naturel ». Comme le disait Nelson Mandela : « Le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de vaincre ce qui fait peur. ».

Reconnaissons d’abord que ce n’est pas le virus en lui-même qui nous fait peur, mais les conséquences qu’il entraîne. Comme je l’ai dit plus haut, c’est le cercle vicieux d’enfermement dans des injonctions négatives qui s’emboîtent dans toutes les sphères de notre vie comme des poupées russes qui favorise et alimente la peur individuelle et collective. Il faut donc commencer par accepter et nommer la peur ainsi que son objet pour la concrétiser et la dédramatiser : la peur est toujours plus forte quand son objet est flou (les films d’horreur les plus puissants sont basés sur ce principe).

Ensuite, posez-vous la question « Comment faire face ? ». Mobilisez le côté « Fonction » de votre Triangle Identitaire pour vous nourrir de ses valeurs d’engagement, de ténacité et même d’honneur. Vous entrerez alors dans le domaine du courage. Une fois vos stratégies bien définies, pensez à panacher entre court terme et moyen/long terme pour toujours garder du recul.

Enfin, remémorez-vous régulièrement des situations où vous avez fait preuve de courage par le passé, et imprimez en interne les sensations que vous avez ressenties à cette occasion. Quand vous sentez que la météo collective d’angoisse vous affecte, faites appel à ces souvenirs pour qu’ils fassent bouclier contre la peur. Vous alimenterez ainsi votre courage interne pour le renforcer et lui permettre de lutter activement contre la météo extérieure négative.

Plus le temps passe, plus la situation s’enlise, et plus la peur fait se rapprocher les dangers de l’abandon, de l’épuisement et de la perte d’efficacité collective. Seul le courage permet d’y faire face à moyen et long terme, véritable remède miracle gratuit et bio. Comme le dit si bien ce proverbe latin « Le courage conduit l’homme à l’immortalité, la crainte le traîne à la mort. ».

A FAIRE

Rassembler son courage
Le courage est une construction, il faut donc être actif pour le mobiliser, goutte par goutte, et le renforcer régulièrement. Remémorez-vous chaque instance de courage, même la plus minime, dans tous ses détails physiques et émotionnels et rassemblez tous ces souvenirs concrets pour créer un ancrage fort, véritable exosquelette de courage, auquel vous pourrez faire appel à tout moment.

Différencier peur véritable et mode angoissé
Sachez faire la différence entre la peur contextuelle et quasi structurelle que nous vivons, et le style angoissé qui fait carburer certaines personnes voire certaines équipes. Dans le second cas, c’est un moteur décorrélé du contexte extérieur et intérieur. Si vous apprenez à faire la part des choses, vous serez moins affecté par l’atmosphère qu’ils imposent car vous saurez que ce n’est qu’un masque superficiel qui habille la détermination et un courage non assumés.

Travailler sa gestion émotionnelle
Il n’y a pas de meilleur contexte pour renforcer sa gouvernance de soi. Personne n’a à vous imposer sa pollution émotionnelle. Alors quand on vous envoie des croyances négatives sur le contexte actuel, pratiquez sans modération le doute cartésien qui nous est si cher, et contribuez ainsi à désactiver la peur de votre entourage : c’est aussi ça, le courage.

A EVITER

Projeter du négatif en boucle
C’est de l’auto sabotage qui démoralise et détruit le peu de courage que nous avons. Concentrez-vous plutôt sur les petites victoires, les choses concrètes positives de votre quotidien, et valorisez-les en les mentionnant ou en les listant en fin de journée. Vous verrez qu’elles atteignent rapidement une masse critique, et finissent par filtrer les émotions négatives.

Imaginer que vous n’êtes pas concerné(e)
Les pays nordiques le savent depuis longtemps, le manque de soleil à moyen terme a des effets tangibles sur la santé physique et mentale. Alors soyez attentifs aux signaux faibles : doute, mollesse… Ne laissez pas votre soleil intérieur faiblir par manque d’attention face aux assauts de la tempête extérieure collective. Redoublez votre vigilance et mobilisez dès à présent votre courage.

Se justifier par les pertes concrètes
Le fait que la situation soit effectivement alarmante voire mauvaise ne justifie pas la paralysie qu’entraine la peur : vous serez bien vite mangé par le prédateur qui vous avait effrayé. Au contraire, cela appelle à l’action et donc au courage pour élaborer une stratégie audacieuse. « Bien perdu, peu de perdu. Courage perdu, tout est perdu. » (Proverbe Allemand).