« J’en sais plus que mon patron, est-ce normal ? »

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21 janvier 2013 – Les Echos. Page 34.

LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,

Votre question est probablement le reflet de votre expérience : jusqu’à présent vos supérieurs hiérarchiques ont toujours été meilleurs experts que vous et vous en avez conclu que c’était la « norme ». Et voilà que votre patron actuel se positionne comme un leader, apparemment totalement affranchi de l’idée que, pour diriger de bons experts, il faut être plus fort qu’eux. Alors que vous vous demandez comment, dans ces circonstances, il peut les dominer, lui se sent suffisamment légitime en tant que patron.

Votre patron a compris que son job consiste à faire travailler en équipe les personnes comme vous, qui en savent plus que lui. Il est donc dans sa posture de leader côté Fonction, face à vous, l’expert métier. Le « casting » est bon.

Pour mieux répondre à votre question, si c’est « normal », je dirai : oui, c’est normal, mais pas courant. J’ajouterai même qu’une telle posture de patron vous avantage car cela signifie, entre autres, qu’il ne va pas se mettre en concurrence avec vous, ni chercher à vous éclipser, ni à tout contrôler, mais, au contraire, à vous mettre en valeur en tant que « star » de son équipe.

Plus on est haut placé dans la hiérarchie, côté leader, moins l’expertise métier compte. Dans les instances dirigeantes, on devient même complètement transversal : un patron peut quitter le secteur de l’automobile pour passer dans le milieu bancaire, par exemple. Son expertise technique importe moins que sa capacité à diriger et à fédérer les talents des femmes et hommes qui composent ses équipes. Cette transversalité métier, véritable fertilisation croisée des équipes et des organisations, est très prisée par les recruteurs.

Je vous conseille vivement de faire preuve de sens politique : évitez de montrer devant les autres à quel point vous en savez plus que votre patron. Ne le testez pas sur son expertise, ni en tête à tête, ni, encore moins, devant les autres (« ce n’est pas possible qu’il ne sache pas cela ! »), et, surtout, ne faites pas de confidences à qui que ce soit sur ce sujet.

Enfin, « last but not least », je parie qu’avec une telle posture, votre patron fonctionne plutôt en mode « global » et n’a pas besoin d’aller dans les « détails ». Évitez donc de prouver vos compétences en « détaillant » votre expertise au risque de le contrarier.
Un tel patron pourrait être votre meilleur sponsor.

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