Comment faire mouche

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La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com

Tout leader cherche à être impactant, autrement dit à faire mouche, ce qui signifie « atteindre le résultat visé ».
Comment s’y prendre ? Comment concentrer sa « lumière intérieure », habituellement dispersée, jusqu’à ce qu’elle se transforme en un rayon de laser, si focalisé qu’il transperce le métal ?
Inspirez-vous de l’art sacré du tir à l’arc japonais ou kyūdō. Cette discipline millénaire pour faire mouche, élevée au rang de mise en scène de ballet, est l’art de la maîtrise de soi, tant spirituelle que physique : le corps est un instrument qui doit être « accordé » comme un piano. L’alignement du tireur sur l’axe vertical et la respiration sur laquelle il est exclusivement concentré permettent de « débrancher » l’attention consciente de la cible et se concentrer sur le processus. Le conscient ainsi occupé, la partie non consciente fait tout le reste. Le Maître ne contrôle rien, il devient la cible.
Ainsi, l’art de faire mouche en tant que Leader, repose sur les trois piliers suivants :
Le premier pilier est la Vision stratégique percutante dont les trois paramètres essentiels sont :
Le double focus, qui signifie l’aperçu global et l’aperçu spécifique concomitants (voir de façon simultanée le « big picture » et les « détails » du tableau).
Le recul adéquat. Rappelons que la soi-disant « idiotie kaléidoscopique » dont les russes et les chinois aiment tant accuser nos élites, est due au manque de recul de ces dernières, et consiste à distinguer tous les détails du tableau, sans en appréhender le sens général. Ainsi, regarder de trop près un tableau pointilliste le fera apparaître comme un simple kaléidoscope de coups de pinceau. Prenez du recul et le sens de l’œuvre vous frappe soudain : c’est « Luxe, Calme et Volupté » de Henri Matisse.
La hauteur de vue. Comme il est impossible de « faire mouche » « le nez dans le guidon », la hauteur de vue adéquate permet au leader de distinguer l’important de l’urgent pour décider des priorités.
Le deuxième pilier pour faire mouche en Leader est l’art de la communication, basé sur de vraies convictions. Il faut que le leader y croie lui-même pour être cru, autrement dit, il faut qu’il soit congruent et non pas seulement cohérent dans son discours.
Une erreur commune consiste à penser que pour convaincre, il suffit d’expliquer. Faux! La compréhension intellectuelle ne garantit pas l’adhésion. On peut parfaitement comprendre (le discours et l’argumentaire sont sémantiquement cohérents) et … ne pas y adhérer. Si le leader ne met pas « ses tripes » sur la table, ne se « mouille pas », l’auditoire ne suit pas.
Le troisième pilier est un juste équilibre action/inaction, assurant l’« assiette de stabilité » au leader. Trop d’actions tue l’Action : pas d’agitation fébrile ou fuite en avant. L’inaction, quant à elle, est une grande tactique militaire. J’y consacrerai ma prochaine chronique.

A FAIRE
1. Prendre son temps
Le timing appartient au leader, qu’il s’agisse de l’action ou de I’inaction. Le maître du temps est le maître du monde !
2. Dépassionner
Impossible de faire mouche la rage au cœur. Prenez du recul pour « éteindre » les émotions polluantes et relativiser.
3. Choisir ses combats
La cible doit être à la hauteur de l’enjeu.

A EVITER
1. Se tromper de cible
Par exemple, vouloir « briller de façon stérile » au lieu d’être percutant ».
2. Foncer, la tête baissée
Évitez de faire le taureau fonçant sur la « muleta ». La corrida est le spectacle de sa mise à mort, mais il arrive qu’il soit gracié, s’il se montre digne, courageux et bon joueur, sa façon à lui de « faire mouche ».
3. Se contrôler
A force de vouloir se contrôler, on se bloque. Le conscient est notre pire ennemi, il nous fait rater la cible. Dixit l’ex maire de Moscou : « En s’efforçant de faire de notre mieux, on a fait comme d’habitude ».

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