Sortir du rapport de force

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La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com

Le rapport de force est un piège qui produit dans les relations humaines une escalade de violence – qu’elle soit de nature morale, verbale, physique ou militaire – fortement toxique et destructive, car dès qu’elle vous aspire, elle vous prive de discernement.

Il se caractérise par une relation dominant-dominé et se résume à une logique binaire : « Soit moi je suis OK et alors toi, tu n’es pas OK, ou bien c’est l’inverse », toute autre combinaison étant exclue. C’est en premier lieu une confrontation entre des acteurs qui opposent leurs forces. On peut en trouver dans le travail, dans le couple, dans les relations de business entre les entreprises etc…

A court terme, le rapport de force produit une relation de type gagnant perdant. Mais remporter un round ne signifie pas gagner un match, tout comme on ne gagne pas la guerre en gagnant une bataille. C’est pourquoi à long terme, la victoire éphémère se transforme en défaite, et le rapport de force produit inévitablement une relation de type perdant perdant.

Ainsi, si la plupart des grandes puissances appliquent à la lettre la règle de De Saint Just, qui dit que seule « la force fait le droit entre elles. », en faisant la course aux armements, cela les aspire dans un paradigme stérile et dangereux de surenchère de menace. A l’opposé, l’exemple de la Suisse, neutre, commerçant avec les acteurs qui s’opposent, aboutit à la position gagnante à long terme.

En réalité, le seul moyen de « gagner » dans le rapport de force, c’est d’en sortir. Comment faire ?

D’abord, idéalement, ne rentrez pas dans ce genre de dynamique. Pour cela, au début, refusez de vous laisser happer. L’algorithme du rapport de force est bien connu de tous : il commence par un défi lancé sous forme de menace ou d’agression. La peur des acteurs de montrer des signaux de faiblesse est son « carburant ». Ne vous faites pas avoir.

Dans les autres cas, si vous êtes déjà dans le rapport de force, je vous conseille de rompre le paradigme en en sortant ostensiblement et en le formulant clairement.

Gandhi a toujours refusé de rentrer dans le rapport de force avec le colonisateur britannique, et c’est précisément cela qui lui a permis de gagner durablement l’indépendance de l’Inde sans bain de sang.

A FAIRE
1 // Repérer les signaux du rapport de force
Dès que vous vous apercevez que l’on essaye de vous imposer ce type de relation, prenez conscience qu’il vous faut d’urgence prendre du recul pour envisager « une sortie » immédiate.

2 // Faire comme dans un jeu de stratégie
Cherchez des tactiques innovantes, du type « saut quantique » pour prendre de la hauteur et vous en sortir.

3 // Gérer ses émotions en posture Fonction
Dites-vous « c’est un test », cela va vous motiver pour vous en sortir de la façon la plus élégante du point de vue politique.

A EVITER
1 // Fuir
Ne confondez pas le comportement de fuite avec la sortie du rapport de force. Les prédateurs sont conditionnés pour poursuivre et achever l’animal qui fuit.

2 // Confondre force morale et force tout court
Les défaites des Américains au Vietnam et des Soviétiques en Afghanistan en sont de bons exemples. La force morale est primordiale, c’est elle qui décide de tout dans le rapport de force.

3 // Douter
Le doute pendant la confrontation devient un adversaire bis. Vous vous retrouvez alors face à deux ennemis : l’un devant vous, l’autre à l’intérieur de vous. Mener deux combats en même temps vous fera perdre deux fois.

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