Mon patron évite toujours de trancher…

Articles & Interviews, Presse

La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com

Face à un sujet complexe, un leader commence par consulter les experts et les subordonnés, puis il prend position, et enfin, il décide. Si certains patrons s’entourent de conseillers de toute sorte, c’est qu’« il est bien plus naturel à la peur de consulter que de décider », selon le Cardinal de Retz.
Pourquoi peine-t-on à le faire ?
Décider, c’est trancher et cela comporte une nuance d’irrémédiable, fort anxiogène quand on porte la responsabilité des conséquences. D’où l’expression « les conseillers ne sont pas les payeurs ».
Le patron est souvent aspiré dans une alternative peu réjouissante – soit il prend une décision et se décrédibilise s’il se trompe, soit il ne la prend pas et se décrédibilise en tant que leader. C’est l’essence même de la situation de « double contrainte » : quoi qu’on fasse, on est perdant.
Beaucoup de responsables, « tombés » là-dedans préfèrent alors que le problème « se règle par lui-même » : on devient alors spectateur de son destin ! On attend que la situation « mûrisse », puis elle pourrit, car, selon un industriel, victime à répétition de cette configuration, « il n’y a pas de décision que l’on puisse ne pas prendre ».
Pourtant, trancher est le propre du leader. On pourrait presque dire que le leader est, tel un silex, fait pour trancher.
Hésiter à trancher donne toujours au leader une mauvaise image de patron mou, à l’inverse de la métaphore du silex tranchant parce que dur.
Mais attention ! Trancher trop vite peut également faire des dégâts, une certaine prudence est requise. Un proverbe russe dit qu’il faut mesurer 7 fois avant de trancher une fois.
Comme le temps de maturation de la décision finale du patron peut paraître long aux personnes non averties, le timing de la décision doit être clairement annoncé et expliqué aux équipes et aux N-1.
Il est faux de dire que le Français est moins tranchant qu’un Anglo-saxon et que l’aversion générale à décider fait partie de l’ADN culturel français. Rappelez-vous la phrase du Général de Gaulle : « J’ai entendu vos points de vue. Ils ne rencontrent pas les miens. La décision est prise à l’unanimité ».