Affronter l’incertitude

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La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com

L’excès de certitude engendre l’ennui et la dépression : quand tout est sous contrôle et connu d’avance, la sécurité est au maximum, mais le monde devient gris. L’énergie vitale reste basse : les animaux en captivité, nourris, soignés vivent moins longtemps que les animaux sauvages, exposés aux dangers.

L’excès d’incertitude en revanche engendre l’inquiétude, l’angoisse et aussi, potentiellement, la dépression : quand l’insécurité est au maximum, le monde devient noir. L’énergie vitale dépensée en angoisse, peur, agitation a du mal à se renouveler.

Le bon ratio entre certitude/incertitude, c’est le monde haut en couleurs, où il faut relever des défis et se battre pour atteindre ses objectifs. L’énergie est alors générée et se renouvelle naturellement, car n’oublions pas que « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » (Corneille) : l’incertitude, la difficulté donne de la valeur à notre réussite et stimule notre volonté à atteindre un objectif.

Chacun a son propre algorithme optimum de certitude/incertitude. Posez-vous la question de quelle « dose » d’(in)certitude avez-vous besoin pour rester motivé(e). Soyez honnêtes avec vous-mêmes et gardez à l’esprit que « l’homme a cette manie étrange de se créer des difficultés pour avoir le plaisir de les résoudre » (Joseph de Maistre) : l’excès de certitude peut être plus destructeur que celui d’incertitude !

Le monde d’aujourd’hui, infiniment imprévisible par sa complexité multipliée par la grande vitesse et la simultanéité, magnifie l’incertitude. Par conséquent le rythme séquentiel du passé où l’être humain pouvait traverser une période incertaine, puis se ressourcer dans une période plus sûre semble à jamais révolu.

L’homo sapiens instrumentalise l’incertitude, omniprésente et grandissante, qui devient un prétexte pour une auto torture raffinée : votre cerveau vous renvoie sans cesse au fait que vous n’êtes sûr(e) de rien. Votre « disque dur » s’emballe, essaye de prévoir, de se prémunir, de vous protéger : les pires scénarii surgissent, les idées noires fusent, et les catastrophes imaginaires vous happent. Le « programme » mental de produire des scénarii négatifs s’installe et avec lui « le pli » émotionnel d’avoir peur voit le jour. Les deux conjugués forment un « virus mental » semblant à une maladie auto-immune qui vous détruit de l’intérieur, comme le système immunitaire qui s’emballe et s’attaque à ses propres organes.

Les films d’horreur exploitent ce « virus mental » et les spectateurs acceptent de payer pour avoir peur. L’action du film est basée sur le mécanisme de projection : le spectateur se projette inconsciemment à la place de la victime poursuivie par le monstre. Physiquement, il halète, son cœur bat comme s’il courait pour se sauver. Dans la fiction, pour échapper au monstre, on peut s’envoler, cracher le feu… mais le monstre peut en faire autant. Le seul moyen radical pour y échapper se situe au niveau supérieur de la réalité du film et représente un « saut quantique » par rapport à la solution précédente : quitter la salle du cinéma ou éteindre le film. Pour cela il faut prendre conscience que la réalité du monstre est au niveau N-1 de la vôtre et que vous agissez à un niveau supérieur. Inaccessible pour la posture de victime, ceci n’est possible que si vous prenez la posture de leader.

En réalité, la capacité d’affronter l’incertitude est directement proportionnelle à votre posture de leadership, car « Là où la volonté est grande, les difficultés diminuent » (Nicolas Machiavel)

A FAIRE
1// Surveillez votre équilibre certitude/incertitude
Une fois l’algorithme optimum connu, vous gérez votre équilibre personnel comme le système de climatisation/chauffage de votre « demeure intérieure ». Trop d’incertitude ? Ressourcez-vous dans un lieu qui vous est familier et où vous avez votre routine. Trop de certitude ? Challengez-vous et surprenez-vous en faisant une entorse à votre routine.

2// Désactivez les virus mentaux
Mettez dans votre « disque dur » personnel un « firewall » contre les angoisses stériles et la modélisation des catastrophes. N’oubliez pas que votre imagination sera toujours plus efficace que la réalité à vous faire peur. Eteignez le film et passez à autre chose.

3//  Occupez votre cerveau
Les individus en « haut débit » neuronal doivent donner du travail positif à leur « disque dur », sous peine de le voir « mouliner » des catastrophes. N’oubliez pas la citation de Joseph de Maistre : votre cerveau a besoin de résoudre des problèmes, sinon il s’ennuie.

A EVITER
1//  Les personnes toxiques
Les « virus mentaux », comme leurs congénères physiques, sont contagieux.
Evitez les personnes toxiques, qui se mettent des bâtons dans les roues, ou qui voient la vie en noir. Entourez-vous d’optimistes, de courageux tenaces qui ne renoncent pas.

2// Confondre fiction et réalité
L’être humain doté d’une imagination fertile est un être en danger. Si c’est votre cas, travaillez la prise de recul et le passage au niveau de vue supérieur. Prenez conscience que la peur, l’angoisse, les scénarii négatifs se situent au niveau « ras des pâquerettes ». C’est l’animal sauvage pris dans les phares et qui s’immobilise de peur qui finit percuté par la voiture.

3//  Se prendre pour une victime
Cette posture est tentante, car elle vous vaut la sympathie de vos proches. Gare ! Cela vous enlève tout respect de la part de vos équipes, et donc tue votre leadership dans l’œuf. Votre rôle n’est pas que l’on vous plaigne ou que l’on compatisse ; vous voulez qu’on vous respecte et qu’on vous suive. Dans la tempête, c’est la lumière du phare, constante, imperturbable, que l’on suivra pour survivre.

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